Type de document : Original Article

Auteur

Professeur émérite à l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle (ESIT)

Résumé

The concepts of equivalence and correspondence has been two key concepts in translation studies and many theorists has attempted to define them; some also challenged the possibility of having equivalent texts at all. The present research aims to study the difference between correspondence and equivalence. Finding the corresponding words or phrases is prescribed in the literal and faithful translation and finding equivalents is employed in those methods that accentuate the meaning of the sentence. The main difference between equivalence and correspondence is that equivalence exists between two texts, but correspondence exists between lingual elements, words, phrases, expressions or syntactic structures in the text. For a translation to be successful, the source text and translated text should be generally equivalent. Literal translation may fulfill certain requirements , however, it cannot be considered as a useful method for all, for it does not lead to equivalence. But no translation is merely conducted based on one of these methods. Correspondence is sometimes used in the semantic method and at times the translator apply its equivalent in literal translation. So this is not an absolute dichotomy. In this sense, correspondences and equivalences coexist in all translation products. And therefore translation is always a blend of word correspondences and sense equivalences. 

 

Mots clés

Titre d’article [Persian]

متن ترجمه شده، میان تناظر و تعادل

Auteur [Persian]

  • مارین لدرر

Professeur émérite à l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle (ESIT)

Résumé [Persian]


در این مقاله به بررسی تفاوت میان تناظر و تعادل می پردازیم. یافتن نظیر کلمه و عبارت در روش تحت اللفظی و وفاداری به صورت توصیه می شود و پیداکردن معادل در نظریه و روش هایی که تاکید بر معنی جمله است اعمال می شود.تفاوت اساسی میان تعادل و تناظر را این گونه می توان بیان کرد که تعادل بین دو متن وجود دارد ، در حالی که تناظر بین عنصرهای زبانی، واژه ها، عبارت ها، اصطلاح ها یا ساختارهای نحوی درون متن برقرار است. تعادل تناظری است که پیش از ان وجود نداشته و اسلوب و روش معمول در ترجمه است؛ ولی، مانع برخی تناظرها بین عنصرهایی که در همه شرایط همسان هستند نمی شود، چه این عنصرها از بیرون بافت وچه از درون متن برگرفته شوند.برای موفقیت یک ترجمه، باید میان متن اصلی و متن ترجمه شده تعادل کلی برقرار کرد. ترجمه واژه به واژه  پاسخگوی نیازهای خاص است، در حالی که کاربرد همیشگی آن مجال برقراری تعادل را نمی دهد.اما هیچ ترجمه ای فقط بر مبنای یکی از این دو روش انجام نمی گیرد. برخی  اوقات در ترجمه معنائی از تناظر استفاده می شود و در ترجمه وفادار به کلمه، مترجم معادل آن را به کار می برد. باید توجه کرد که این دوگانگی مطلق نیست.
 

Mots clés [Persian]

  • ترجمه- دوگانگی
  • تعادل-تناظر-

A se pencher sur l’histoire de la traduction, on s'aperçoit très vite qu’au cours des siècles, deux méthodes de traduction ont été distinguées : la fidélité à la lettre du texte original, que j’appellerai dorénavant ‘transcodage’, et la liberté par rapport à cette lettre.

Les tenants du transcodage se fondent sur une constatation concrète : ce que l’on voit des textes sur la page, ce sont des mots noir sur blanc; ils concluent que ce sont les mots du texte qu’il faut traduire. Quant à la liberté par rapport à la lettre du texte, elle a souvent été comprise comme autorisant toutes les licences; on connaît les ‘belles infidèles’, qui édulcoraient certains passages jugés choquants pour les mœurs de l’époque et qui pouvaient aller jusqu'à omettre des chapitres entiers du texte lorsque le traducteur estimait qu’ils ne présentaient pas d’intérêt. En fait, il s’agit là de quelques dérapages limités à certaines époques, la liberté par rapport à la lettre du texte se donnant en général pour but de restituer le sens du texte plutôt que ses mots

Cette méthode est aujourd’hui conceptualisée sous le nom de méthode interprétative. Sa théorisation repose sur la prise de conscience, (qu’ont d’ailleurs eue plus ou moins au même moment , au courant du XX siècle, bien des auteurs littéraires contemporains, entre autres Paul Valéry, Jean-Paul Sartre, Umberto Eco) que le sens n’est pas entièrement contenu dans les mots de l’original et que les mots d’un texte restent lettre morte si le lecteur n’y ajoute pas de son côté sa propre interprétation, fondée sur sa connaissance du monde, de l’auteur, de la situation de production, etc. S’agissant de traduction, cela signifie que le traducteur a recours à des connaissances autres que purement linguistiques pour interpréter (c.à.d. comprendre) et réexprimer le texte, puisque ce n’est pas la langue de l’original qu’il faut transmettre mais ce que celle-ci transmettait à ses propres lecteurs.

Ces deux méthodes, le transcodage et la traduction interprétative, sont en général mentionnées comme entièrement distinctes. Pourtant, je voudrais montrer ici que, quelle que soit la méthode appliquée, si l’on en étudie le résultat, c. à d. les textes traduits, on s’aperçoit que dans le transcodage, la simple application de correspondances préexistantes ne suffit pas, et que la traduction interprétative ne peut se contenter de créer des équivalences. En fait, chacune des deux méthodes cède parfois la place à l’autre si bien qu’une bonne traduction sera toujours un mélange de correspondances et d'équivalences.

Je viens de rapprocher les mots correspondance et transcodage d’une part et de l’autre, équivalence et traduction interprétative; peut-être est-il temps de définir les termes :

Les correspondances sont les relations qui s’établissent entre les significations de mots de langues différentes. On les trouve en général dans les dictionnaires bilingues, souvent accompagnées d’un microcontexte. Lorsqu’on traduit par transcodage, on s’efforce de traduire le maximum d’éléments linguistiques d'un texte par les correspondants de l'autre langue. Cette façon de traduire, contrairement au littéralisme ponctuel qui porte sur des mots isolés, tient compte du microcontexte et respecte la syntaxe de la langue d’arrivée. C’est sans doute la méthode que l’on rencontre le plus fréquemment dans la pratique.

Quant aux équivalences, elles sont des créations discursives qui ne portent pas sur des mots mais sur des segments de textes et dont la caractéristique est de préserver une identité de sens entre original et traduction, quelles que soient les divergences de structures grammaticales ou de choix lexicaux.

En fait, ces deux définitions sont très généralisantes car, nous allons le voir, aucune des deux méthodes n’est jamais entièrement pure; chacune par la force des choses doit avoir parfois recours à l’autre, la traduction interprétative aux correspondances et le transcodage aux équivalences.

1. Les correspondances en traduction interprétative

La traduction interprétative reproduit l'original en partant des sens déverbalisés qui s'en dégagent après que le traducteur ait mobilisé des compléments cognitifs et affectifs et que ceux-ci aient fusionné avec le sémantisme de la langue du texte. Pour traduire, le traducteur applique au gros du texte des équivalences qui, de façon spontanée et idiomatique en langue d’arrivée, transmettent des sens identiques à ceux de l’original. Pourtant, certains éléments de l’original, les noms propres, les données chiffrées, les termes techniques, appellent des correspondances dans la langue d'arrivée. D’autres types de correspondances apparaissent dans les textes; ils s’expliquent en partie par l’existence de concepts universels : les objets de la vie courante, les parties du corps humain, les liens de parenté, les phénomènes naturels. Il est logique qu’elles aient des vocables pour désigner ces référents ou ces concepts. Par ailleurs, dans toutes les civilisations parvenues à un même niveau de développement, les mêmes concepts, les mêmes techniques existent, les mêmes sujets sont discutés et font l’objet de recherches ; il n’est donc pas étonnant non plus que les vocables utilisés dans une langue trouvent des correspondances dans les autres

Voici une brève illustration[1] de l’apparition de correspondances dans une équivalence de sens (je l’ai déjà utilisée dans La traduction aujourd'hui - le modèle interprétatif, que Mme Tehrani vient de publier en farsi). Elle est tirée d’un chapitre de Cannery Row de Steinbeck. On assiste à la promenade matinale de deux soldats qui ont passé la nuit à danser et à boire. L'auteur décrit leur apparence :

The ties were pulled down a little so the shirt collars could be unbuttoned.

Ils avaient défait leur cravate afin de pouvoir ouvrir leur col.

On voit mal comment cette scène, cette situation concrète, aurait pu être décrite sans que la correspondance des deux mots ties et collars n'y apparaisse en français. En revanche, le reste a été reformulé librement par Magdeleine Paz, la traductrice. Elle a imaginé la scène et l’a restituée en un français spontané bien éloigné de la forme originale, à partir de l’image qu’évoque le texte.

Pour la théorie interprétative de la traduction, il y a là, visant une identité de sens, une réexpression idiomatique dans la langue d'arrivée, une création discursive, ce que nous appelons une équivalence de texte, avec inclusion ponctuelle de deux correspondances.

Quelle que soit la liberté que la méthode interprétative prend à l'égard des mots, elle ne peut, on vient de le voir, se passer d'un certain degré de transcodage.

2. Les équivalences en transcodage

Aucun texte ne peut jamais être traité intégralement en transcodage pur, soit parce qu’il n’existe pas toujours de correspondance à chacun des mots du texte, que les correspondances lexicales soient souvent approximatives, soit encore que les correspondances syntaxiques donnent un résultat si gauche en langue d’arrivée que la solution 'correspondance' y est inacceptable. Lorsque le passage direct de la langue de départ à la langue d’arrivée risque de ne pas rendre le sens ou de fausser la stylistique de la langue d’arrivée, le traducteur est forcé de changer de méthode. Qu’il en soit conscient ou non, il procède par déverbalisation et réexpression d’un sens; il appelle à son secours les connaissances extra-linguistiques dont il dispose et crée, sans toujours s’en rendre compte, des équivalences.

Examinons, en guise d'illustration de cette affirmation, un bref extrait d'un article de revue traitant de l’ABS (Automatic Braking System), un dispositif, aujourd'hui installé sur toutes les voitures, qui empêche les freins de bloquer les roues des voitures en cas de freinage brutal.

Whether they admit it or not, most drivers react to a sudden emergency by slamming on the brakes in a blind panic, hoping to stop before crashing. Unfortunately, in many cases the result is that the brakes lock - especially on wet roads - causing the car to skid right into whatever is in its way. Skidding tires will not steer.

Concentrons-nous sur la dernière phrase : " Skidding tires will not steer” est parfaitement compréhensible en anglais. Comme tout lecteur anglophone, le traducteur en comprend le sens grâce aux compléments cognitifs pertinents dont il dispose et qui s'ajoutent aux significations de la langue. Il sait que les pneus font partie des roues, que les voitures ont des roues et que c'est par l'intermédiaire du volant que le conducteur oriente les roues motrices.

Dans cette phrase de cinq mots, on trouve trois termes techniques, d'ailleurs relativement courants : to skid = déraper, glisser, patiner; tire = pneu; to steer = conduire, guider, diriger.

Peut-on transcoder cette phrase ? Même le plus transcodeur des traducteurs hésitera à traduire littéralement : des pneus qui dérapent ne dirigent pas. En plus de ce qu'il sait du fonctionnement de la langue d'arrivée, le français, il passera automatiquement à la perception de la réalité : il ne s’agit pas seulement des pneus, mais l'ensemble jante et pneu, c'est à dire des roues, et ce ne sont pas les roues qui 'steer', mais le volant, c’est-à-dire le conducteur. En français, cette phrase n’a aucun sens!

Le traducteur qui tient compte du contexte (the result is that the brakes lock), trouvera sans doute une équivalence de sens au plus près du texte, telle que : Des roues bloquées ne répondent plus au volant. Et si l'on applique la méthode interprétative, l'équivalence prendra une forme plus imagée encore et plus naturelle en français : Une voiture aux roues bloquées ne répond plus au volant ou bien encore ne répond plus au conducteur.

Quelle que soit le jugement qu'on porte sur son résultat, on voit bien que dans les deux cas, la phrase est rendue par une équivalence qui n'a plus grand chose à voir avec les mots mêmes du texte Skidding tires will not steer, mais qui découle directement de l'interprétation donnée à ces mots en contexte par le traducteur, en conjonction avec les connaissances pertinentes du monde dont il dispose.

Je profite de cet exemple pour insister sur l'inévitabilité de la création d'équivalences dans des textes dont on a tendance à dire, mais un peu vite, qu’ils peuvent être simplement transcodés puisqu’ils sont techniques. Malgré la règle générale selon laquelle les termes techniques doivent être transcodés (c’est-à-dire faire l'objet de correspondances), les textes techniques, eux, exigent souvent le recours à des équivalences.

J'espère avoir démontré[2] que la dichotomie si souvent mise en avant entre transcodage et traduction interprétative est trop tranchée, que la méthode interprétative passe ainsi obligatoirement pour certains types de vocables par des correspondances alors que, de son côté, le transcodage est parfois obligé de changer d’optique et de créer des équivalences.



[1] Ne connaissant malheureusement pas le farsi, je dois me limiter à donner des exemples en anglais/ français, en espérant que les lecteurs m’excuseront.

[2] C’est volontairement, pour éviter d’alourdir ce texte, que je n’ai pas cité de références. On les trouvera dans la traduction en farsi de La traduction aujourd'hui- le modèle interprétatif.